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14 Juillet 2016

Les limites du volontariat


Comportement irresponsable

La population en âge de travailler décroît au Québec, ce qui ajoute un obstacle supplémentaire à notre capacité de créer des emplois et de la richesse. Pendant ce temps, nous accueillons chaque année plus de 17 000 nouveaux bénéficiaires de l’aide sociale sans contrainte à l’emploi dont la majorité est constituée de jeunes de moins de 30 ans, ceux-là mêmes qui profiteraient grandement d’un encadrement plus serré et d’un soutien individualisé leur permettant de développer enfin leur potentiel.

Mais dans l’état actuel des choses, il demeure impossible d’exiger d’un allocataire qu’il se présente à une seule rencontre afin d’évaluer sa situation et de lui proposer une démarche de réinsertion. Ce laisser-faire est irresponsable et doit être corrigé, en particulier au moment où le Québec fait face à des défis en matière de main-d’oeuvre. Le volontariat a atteint ses limites et est contraire tant à nos responsabilités sociales vis-à-vis ces personnes qu’aux meilleures pratiques dans le monde établies encore tout récemment par l’OCDE.

Une directrice régionale d’Emploi-Québec avec qui j’échangeais récemment me racontait que l’un des centres locaux d’emploi sur son territoire avait convoqué pas moins de 60 prestataires d’aide sociale à une rencontre le printemps dernier dans le but de leur présenter une gamme de mesures d’employabilité visant une éventuelle réinsertion sur le marché du travail. Il faut préciser que dans cette région, comme dans la plupart des régions du Québec d’ailleurs, le taux de chômage est en diminution et qu’il n’y a jamais eu autant d’emplois disponibles.

Les prestataires convoqués étaient des personnes ayant un « indice d’employabilité élevé ». Dans le jargon administratif d’Emploi-Québec, cela signifie qu’ils n’avaient aucune contrainte connue à l’emploi, qu’ils pouvaient déjà avoir eu une expérience d’emploi rémunéré, détenir un diplôme ou une qualification quelconque.

À la suite de la réception de leur convocation, au moins la moitié de ces prestataires auraient appelé leur centre local d’emploi pour vérifier la teneur de cette convocation et, surtout, son caractère obligatoire ou non… Comme la loi sur l’aide de dernier recours au Québec ne permet pas que l’on puisse forcer un prestataire à participer à quelque activité que ce soit, ne serait-ce qu’une simple séance d’information sur les programmes d’aide à sa disposition pour favoriser un éventuel retour sur le marché du travail, la plupart des prestataires ont prétexté leur indisponibilité pour ne pas se présenter!

Le jour venu, il n’y a eu que cinq prestataires à la rencontre d’information, et deux seulement se sont inscrits par la suite à des mesures de réintégration. C’est malheureusement un modèle qui se répète dans toutes les régions puisqu’au Québec, seulement 8% des prestataires d’aide sociale acceptent de s’engager dans une démarche après avoir été contactés. Le site d’Emploi-Québec offre pourtant un nombre record d’emplois en ce moment. Le gouvernement du Québec a déposé l’automne dernier le projet de loi 70 qui promeut une meilleure adéquation entre la formation et l’emploi et la plus grande participation au marché du travail de toutes les personnes en mesure d’y apporter une contribution, aussi modeste soit-elle.

L’une des stratégies pour y arriver est de rendre obligatoire l’intégration des premiers demandeurs à l’aide sociale aptes au travail à des mesures visant à améliorer leur employabilité, et ce, avant qu’ils ne s’y enlisent. Il est clairement démontré qu’une intervention précoce auprès des nouveaux prestataires et un encadrement serré constituent la façon la plus efficace d’intervenir auprès de cette clientèle.

Modifications au projet de loi 70

Depuis le dépôt du projet de loi, j’ai écouté les critiques et apporté de nombreuses et importantes modifications pour répondre aux préoccupations légitimes des personnes et des organismes rébarbatifs à la fin du volontariat pour les nouveaux demandeurs d’aide sociale. J’ai insisté tout d’abord pour que l’on priorise le retour aux études ou la recherche d’une qualification plutôt qu’une reprise rapide d’emploi, car l’éducation demeurera toujours la meilleure façon de lutter de manière durable contre la pauvreté et l’exclusion sociale.

Je me suis aussi assuré d’introduire un parcours dit de « préemployabilité » qui reconnaît que les premiers demandeurs à l’aide sociale ne sont pas tous prêts à entreprendre une démarche de réinsertion et qu’il faut les y conduire progressivement en prenant soin d’intervenir si nécessaire initialement sur des difficultés d’ordre psychosocial (toxicomanie, protection de l’intégrité physique et morale, risques de tous genres).

J’ai aussi fait augmenter les bonifications financières que recevront les participants à Objectif emploi, tout comme les budgets des organismes externes. Il y en a près de 400 sur tout le territoire du Québec qui les prendront en charge en collaboration avec les centres locaux d’emploi.

Je me suis aussi assuré qu’aucun prestataire ne puisse voir sa prestation diminuée si les ressources de soutien promises se faisaient attendre et j’ai indiqué clairement que personne ne se verrait forcé de déménager afin de prendre un emploi.

J’ai proposé des pénalités financières modérées pour les non-participants, révocables et avec une durée limitée dans le temps contrairement à ce qui se fait dans plusieurs juridictions au pays et dans le monde. Des améliorations à la prime au travail sont aussi prévues pour faire en sorte que toute prise d’emploi demeure toujours financièrement attractive.

Ces mesures et d’autres ont été saluées, mais le défi de participation des nouveaux prestataires demeurera entier si celle-ci reste volontaire comme le montre des expériences passées, ici, au Québec, et ailleurs.

François Blais
Député de Charlesbourg, ministre de l’Emploi et de la Solidarité sociale et ministre responsable de la région de la Capitale-Nationale