Dominique Anglade,
Ministre de l’Économie, de la Science et de l’Innovation et ministre responsable de la Stratégie numérique
Un des plus grands enjeux du Québec reste sans conteste celui de la croissance démographique.
Alors que de 2000 à 2012, la population active croissait d’environ 35 000 personnes par année, ce chiffre a drastiquement diminué pour être aujourd’hui négatif.
Cela signifie que, malgré l’immigration au Québec, notre population active décroît et que, par conséquent, nous avons chaque année moins de travailleurs disponibles (en supposant un taux d’activité stable). C’est la raison pour laquelle la proposition de la Coalition avenir Québec (CAQ) sur la réduction du nombre d’immigrants au Québec défie toute logique économique.
Alors que nombre de chefs d’entreprise parlent d’enjeux liés à la main-d’œuvre et de la nécessité de trouver des travailleurs qualifiés, la CAQ se propose d’en réduire le bassin. Aucune association économique digne de ce nom n’a jamais soutenu une telle idée, que ce soit le Conseil du patronat du Québec, la Fédération des chambres de commerce du Québec, Manufacturiers et Exportateurs du Québec ou la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante. Pourquoi ? Parce que chacune de ces organisations sait pertinemment qu’elle perdrait toute crédibilité à tenir un tel discours.
Mais pis que cela, dans cette manière de présenter les problèmes, on oublie de rappeler que près de 90 % des immigrants qui souhaitent travailler occupent un emploi, que la majorité d’entre eux apprennent le français et que, grâce à la loi 101, leurs enfants vont à l’école en français.
Faut-il en faire plus pour mieux intégrer les immigrants ? Certainement. Pouvons-nous mieux cibler les immigrants dont les compétences sont demandées chez nous ? Absolument. Devrions-nous en faire davantage pour la francisation ? J’en suis certaine.
Et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle le gouvernement a entamé une réforme en profondeur de l’immigration. Mais alimenter la peur de l’autre et voir en l’immigration une menace permanente n’honorent aucun politicien.
La politique n’est pas un simple exercice de popularité. Elle est d’abord et avant tout un exercice de responsabilité, au premier chef celle d’élever le débat. Si l’économie du Québec interpelle les Québécois, qu’on propose alors de véritables leviers pour la parfaire : le manufacturier innovant, l’investissement privé, l’immigration plus ciblée. Mais de grâce, évitons de verser dans un populisme de court terme qui ne sert personne.
La raison et la politique devraient plus souvent faire front commun. C’est là ma conviction profonde, d’ailleurs une de celles transmises au fil du temps par mes parents, eux-mêmes immigrants.